« Le nez est avant tout vasomoteur »
Comme l’a rappelé l’école de NANCY, le système vasomoteur du nez lui permet de préparer l’air pour les poumons, tout en s’adaptant aux besoins ; c’est ainsi que la turgescence des cornets et les sécrétions muqueuses permettent de filtrer, humidifier et réchauffer l’air tout en permettant de respirer, quelle que soit notre activité. Ce fonctionnement est contrôlé par le système nerveux autonome et les neuropeptides soit une dizaine de médiateurs déjà répertoriés. Lorsque le contrôle central de ce système est hyperexcitable, il donne lieu à une hyperréactivité nasale avec comme manifestation clinique, la classique rhinite vasomotrice, parfois doublée d’une hyperréactivité trachéobronchique.
Les symptômes en sont surtout la rhinorrhée, l’éternuement en salve, l’obstruction, l’inflammation et la congestion favorisant les épistaxis antérieures. Une hyperosmie est plus fréquente qu’une anosmie, mais l’odorat peut varier selon l’évolution. Des céphalées peuvent compléter le tableau ; elles sont parfois unilatérales, péri oculaires, associées à un larmoiement et à la rhinorrhée homolatérale comme dans le classique syndrome de Charlin ou de Sluder, appelé maintenant MIGRAINE FACIALE.
En crise, la muqueuse des cornets est hypercongestive et ceux-ci deviennent obstructifs. Parfois un gonflement oedémateux apparaît sur les cornets moyens. Un écoulement muqueux postérieur irrite la muqueuse de l’oropharynx avec formation d’un troisième pilier dans les cas chroniques, rendant compte du hemmage (ou raclement de gorge),
des paresthésies pharyngées et de l’odynophagie, cette douleur à la déglutition de la salive qui disparaît en mangeant.
Le patient décrit souvent une toux irritative associée, voire des céphalées diffuses ; chez la femme on trouve souvent des antécédents migraineux, un syndrome de Raynaud, une insuffisance veineuse avec jambes lourdes et une sensibilité digestive avec colites.
Il est important d’expliquer au patient qu’il est sensible à son environnement et que son nez réagit aux excitations externes comme les premiers soleils, l’air conditionné ou la climatisation, les changements de température, la poussière de plâtre, voire certaines poudres (lessive), la fumée de tabac des autres, voir certains parfums,
la plume, … en général le patient se reconnaît dans ce tableau et le complète de lui-même.
C’est alors qu’il faut expliquer que le patient va aussi réagir de manière identique en fonction de son état général et qu’il aura les mêmes désagréments s’il est fatigué, contrarié, soucieux ou en manque d’activité physique et sportive. Là aussi le patient trouve de lui-même l’élément de sa vie qui explique son mal-être actuel.
En effet, toute perception émotionnelle qui dure, finit par modifier le corps trop longtemps pour qu’il se taise et celui-ci, souvent au niveau d’un organe préférentiel, traduit cliniquement la perturbation physiologique qui l’affecte. Or le système respiratoire est commandé par le système de survie (limbique) au même titre que le système
cardiovasculaire, le système musculaire et le système digestif. En cas d’agression, il faut en effet pouvoir courir ou agir au mieux grâce à l’adaptation de la fonction cardiorespiratoire, le système digestif se vidant de son sang, pour une meilleure efficacité musculaire. Nous fonctionnons encore ainsi même si les raisons de se sentir agressés
sont différentes, et le nez reste modulable selon les réactions du système limbique en liaison avec la perception des émotions.
Le traitement médical est basé sur les corticoïdes, les antihistaminiques anticholinergiques, complétés par les mucolytiques, et les soins locaux. L’hygiène de vie concomitante est indispensable car le traitement sera
moins efficace si le patient reste fatigué ou contrarié. La cautérisation des cornets rend service dans les cas chroniques ou récidivants ou si l’obstruction est le symptôme majeur. La turbinectomie au contraire peut
l’aggraver et reste de toute façon disproportionnée.
(* : voir en bas de page)
Bien entendu, ce caractère vasomoteur n’empêche pas tout sujet de rencontrer des virus et la rhinite virale est facilitée par les périodes de fatigue car l’immunité est alors en baisse, mais la symptomatologie sera proportionnelle à l’hyperréactivité nasale et donc au caractère vasomoteur du moment. De même, la présence d’allergène spécifique chez l’allergique produira ses réactions propres bien connues et assez voisines mais les signes seront majorés si le contexte perturbe le phénomène vasomoteur de base. Il faut donc toujours en tenir compte.
Ce qui étonne, c’est que les derniers rapports sur les rhinites chroniques donnent la prévalence à la réaction allergique. Or nombre de sujets « dits allergiques » (même à l’eau des piscines, par exemple) ont des tests négatifs et leur histoire témoignent plutôt d’une hyperréactivité nasale classique. Il est vrai que dans notre pharmacopée, la plupart des antiH1 ne sont pas anticholinergiques.
En conclusion, que le sujet soit allergique ou non, l’ORL ne peut véritablement soigner une rhinite chronique ou récidivante que s’il cherche les éléments du contexte qui peuvent influer sur le comportement neurovégétatif de base de son patient, car le nez est en prise directe avec notre mode de vie et la traduction des « émotions », et reste avant tout vasomoteur.
Dr Bernard BECUWE, Brest, 22 septembre 2006
(* si j'ai barré ce paragraphe c'est parce que Mr Dr Libes, l'ORL que nous avons consulté, l'a barré sur le document qu'il nous a donné, en précisant : "je ne soigne pas les émotions avec des corticoïdes" ; d'ailleurs il a prescrit un traitement homéopathique de deux jours)