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3 novembre 2009 2 03 /11 /novembre /2009 18:30
Petit, modeste hommage à Claude Lévi-Strauss.

Voici un texte qui m'a plu (trouvé sur Rézo.net)

A l’age de cent ans, Abraham s’est circoncis lui-meme ; à l’age de cent ans, Claude Levi-Strauss est mort ; de meme.
Il haïssait les voyages et les explorateurs... Il l’a dit explicitement : "Je hais les voyages et les explorateurs ..." Avec son humour, souvent étonnant.

Mais pour fuir l’ombre de son grand-père, rabbin à Versailles, il a beaucoup voyagé. Regardant avec sympathie toutes les civilisations, brésiliennes, polynésiennes et autres. Toutes, sauf celle dont il était issu, et dont il ne voulait pas entendre parler. Simplement parce que sa famille, et surtout son grand-père rabbin, l’avait forcé à faire sa bar mitsva, ce qu’il ne voulait pas. Il l’a faite, contraint, mais, dit-il, "sans y mettre aucun engagement intellectuel ou émotionnel". C’était une sorte de conversion forcée, sous le signe de l’inquisition péremptoire.

Quand Lévi-Strauss était aux Etats-Unis, pendant la guerre, on lui a conseillé de ne pas être appelé de son nom, pour qu’on ne le confonde pas avec les fabricants de... jeans. Ces commerçants, dont il n’était pas.
Il y a dix ans, il a dit qu’il avait perdu beaucoup de ses facultés. Qu’il n’était plus qu’un hologramme de lui-même. Et il évitait de donner ses idées, préférant renvoyer ses interlocuteurs curieux à son œuvre, du temps de sa maturité.

De la trempe de tant d’autres Juifs alsaciens, il récusait une caractérisation proprement juive de sa personne. Ainsi, Simone Weil, stupéfaite d’être radiée de l’enseignement, sous Vichy, alors qu’elle n’était jamais entrée, de sa vie, dans une synagogue. Elle écrivit cela à Pétain, qui ne fut pas intéressé.

Dans la nuit de samedi à dimanche, entre le 1 er et le 2 novembre, Lévi-Strauss est mort.
A-t-il désiré accorder une place spéciale à Halloween, et à la fête des morts celte, bien antérieure à tout christianisme ? En tout cas, cette nuit-là commençait l’histoire de la peracha de Vayera. Abraham se tient à la porte de sa tente, dans la chaleur, voulant accueillir les passants, qui seraient heureux de se désaltérer dans sa tente. Sa tente, ouverte aux quatre points cardinaux, et non seulement la curiosité anthropologique. Que chacun puisse entrer, sans se donner la peine de chercher l’entrée : il y en avait quatre... Pour tous les rois mages, venus de n’importe où.

Pour Lévi-Strauss, quand on lui demanda une conférence pour l’Union des Etudiants Juifs de France, "un tel organisme ne devait pas exister". Il ne s’est pas expliqué ; mais, sans doute, ce communautarisme lui faisait horreur. Marc Bloch, son parent, au moins intellectuel, avait la même attitude. Sa tente à lui, certainement, était différente.
Mais quand Abraham se tient à la porte de sa tente, recevant ses angéliques visiteurs, il a cent ans.

Il s’est circoncis lui-même, trois jours avant. Et il a mal. Ce qui ne l’empêche pas de se vouer à son hospitalité. Lévi-Strauss, sans être haineux, ne fut pas hospitalier aux siens. Mais sa mort, à cent ans, coïncide avec le récit de l’accueil d’Abraham, fait à chacun.
Il est enterré trois jours après. Alors qu’Abraham s’était circoncis lui-même, trois jours avant.

Même si Lévi-Strauss n’a jamais voulu vivre en juif, sa vie durant, sa mort indique une frappante parenté avec l’attitude générale d’un ancêtre, qui le dévoile soudain, dans son propre accueil à la diversité des hommes, comme un... juste. Etranges perspectives ouvertes par sa mort, qui permet de mieux comprendre sa bienveillance envers presque toutes les civilisations de l’univers.
Raphaël Cohen.
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